Aux termes de l'article 706-5 du code de procédure pénale, la victime peut échapper à la forclusion lorsqu’elle "n’a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis "

Les victimes d’infractions pénales (blessures volontaires, par exemple) ayant subi des dommages corporels graves peuvent être indemnisées par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI).

Elles doivent, pour ce faire, saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), qui déterminera le montant devant leur être alloué.

Quand elles n’ont pas engagé de poursuites pénales, elles ne disposent que de trois ans après la date de l’infraction pour agir, sous peine de « forclusion », dit l’article 706-5 du code de procédure pénale.

Si elles étaient mineures à l’époque des faits et que leurs parents n’ont pas saisi une CIVI, peuvent-elles agir à leur majorité ? Telle est la question que pose l’affaire suivante.

Le 12 janvier 2011, Mlle X, 13 ans, est grièvement brûlée à la basilique de Saint-Denis.

Selon les témoignages de deux camarades, elle priait pour la mère malade de l’une d’elles, quand son gilet s’est enflammé au contact d’un porte-veilleuses (bougies enfermées dans des récipients) placé derrière elle. Bien qu’un homme ait tenté d’éteindre le feu avec son manteau, les blessures sont graves, et les séquelles seront importantes (déficit fonctionnel permanent évalué à 45 %, dont 10 % sur le plan psychique, en raison d’un syndrome anxio-dépressif).

La mère de Mlle X poursuit la paroisse, mais elle est déboutée, le tribunal de grande instance de Bobigny jugeant, le 29 mai 2015, que le porte-veilleuses n’avait pas de « position anormale ».

Elle ne songe pas à saisir une CIVI, en se plaignant de l’absence d’extincteurs, pourtant obligatoires dans les établissements recevant du public, aux termes du code de la construction et de l’habitation. C’est seulement en 2018, soit sept ans après le drame, que Mlle X, devenue majeure, le fait.

S’estimant victime d’une « infraction de blessures involontaires », elle réclame une provision de 190 000 euros. Le FGTI s’y oppose, en soutenant qu’elle est « forclose ».

La jeune femme le conteste : elle assure que le délai de l’article 706-5 est « suspendu » pendant la minorité des victimes.

C’est ce que la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises, au bénéfice d’enfants victimes de blessures ou dont les parents avaient été assassinés. Elle est partie du principe qu’« aucun texte n’écarte l’application, au délai de l’article 706-5 du code de procédure pénale, de la suspension de la prescription » prévue par le code civil (article 2235).  

Elle l’a fait jusqu’à ce que la loi du 17 juin 2008 sur la prescription change la donne, en disant que les délais de forclusion ne sont pas susceptibles de suspension (article 2220).

La CIVI puis la cour d’appel de Paris décident néanmoins d’appliquer cette ancienne jurisprudence. Elles allouent à la jeune femme des provisions de 35.000 puis 150.000 euros, à valoir sur la réparation intégrale de son dommage.

Le FGTI se pourvoit en cassation, en protestant contre cette « violation » des textes.

Le 15 février 2024, (22-18.728), la Cour de cassation ne peut que lui donner raison. Mais elle maintient le sens de la décision, en procédant à une « substitution de motifs », comme l’y invitait son avocat général : elle note qu’aux termes de l’article 706-5 la victime peut échapper à la forclusion lorsqu’elle « n’a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis ». Elle considère que c’était le cas de Mlle X, en raison de la « carence » de sa mère à agir. Sa décision pourra concerner d’autres majeurs dans la même situation.

Mais, pour leur éviter de lourdes procédures, le législateur a, le 20 novembre 2023, modifié le point de départ du délai de l’article 706-5 : il se situe désormais au jour de leur dix-huitième anniversaire.    

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